Rémy

Église Saint Denis

L’église Saint Denis de Rémy est Monument historique. Une large partie du transept date du XIe siècle ainsi que probablement une partie des murs et de la base du clocher. C’est vers 1570 que le chœur est reconstruit dans un magnifique style.

L’église contient des fonds baptismaux du XIIIe siècle, des stalles sculptés du XVe siècle, plusieurs statues anciennes et des vitraux très originaux, ceux réalisé par un autodidacte, l’abbé Deligny, curé de la paroisse aux alentours de 1860. Le GEMOB a consacré un ouvrage sur ce thème en 2005.

Dans le patrimoine religieux de la commune on peut aussi noter plusieurs calvaires situé au bord des routes ou à des croisées de chemin.

La patronyme de Saint Denis a pour origine les liens étroits qui existaient au moyen age entre le village et l’abbaye Saint Denis qui y possédait des terres et des droits.

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Qui était l’abbé Deligny ?

Théodore Cyrille DELIGNY est né rue des Saules à Francières (60) le 09 juillet 1808. Son père, Michel-Ange y exerçait la profession de cordonnier et devait également exploiter quelques terres avec l’aide de son épouse Marie Françoise DEMILLY. Le couple aura la joie de voir naître un deuxième enfant le 03 avril 1811 baptisé Victoire Céline.

A des qualités de cœur partagées par l’un et par l’autre, le jeune Théodore Cyrille ajoute des capacités intellectuelles certaines. Élève de l’école communale de Francières, c’est sur les conseils de son instituteur Monsieur Gouleux qu’il entre en troisième au collège de Compiègne. On le retrouve ensuite au Petit séminaire de Noyon puis au Grand séminaire de Beauvais, choix favorisé par un milieu familial imprégné de spiritualité.

Ordonné prêtre le 19 décembre 1834 par Monseigneur Lemercier, il exerce d’abord son ministère à Jonquières, paroisse proche de son village natal. Il prend ses fonctions en décembre de l’année 1834, alors âgé de 26 ans et c’est avec l’enthousiasme de la jeunesse qu’il s’attache à la restauration de l’église. Celle-ci, délaissée pendant un quart de siècle après le départ de l’abbé Lardenois, est dans un état déplorable. Au grand dam de son nouveau pasteur qui entreprend de multiples démarches auprès des autorités, mais malheureusement sans aucun succès.

Il se voit donc contraint de s’atteler à la tâche, aidé en cela par quelques personnes pieuses ; devenant successivement maçon, menuisier, peintre, etc. Loin de limiter son ambition à la réfection de l’église, il bâtit un nouveau presbytère, ainsi qu’une école des filles et des garçons.

Comble de malchance, les violents ouragans qui se déchaînent à répétition durant les années 1839, 1840 et 1843 mettent à mal les vitraux qui, malgré de nombreuses réparations se trouvent en très piteux état.

L’abbé se résout alors à en faire lui-même de nouveaux et selon sa propre méthode. D’où tire-t-il son inspiration ? sa technique ? En tout cas, son œuvre – car c’est bien d’œuvre qu’il faut parler – va se révéler parmi les plus originales dans ce domaine et va stupéfier voire scandaliser par sa hardiesse tous les “connaisseurs” de l’époque. Il installe sa première réalisation en 1849, dans la baie centrale du chœur et en l’espace de dix ans va entièrement regarnir l’église de Jonquières de vitraux neufs, d’une originalité surprenante. Durant cette période, il réalise également un vitrail commandé en 1855 par la compagnie des archers de Canly.

Nous ignorons les conditions de cette “mutation”, mais dans le courant de l’année 1861, l’abbé Deligny quitte son poste pour aller présider aux destinées de la paroisse de Rémy. Là aussi, il trouve un édifice en assez mauvais état – les derniers travaux remontaient à la fin du dix-septième siècle et n’avaient porté que sur le chœur. En 1725, un ouragan (encore ou déjà !) avait renversé la flèche surmontant le clocher, ce qui nécessita des travaux de restauration, mais on s’était alors contenté de mettre en place un petit toit à quatre pans comme celui de Lachelle.

Fort de son expérience et poussé par son esprit d’entreprise, l’abbé se lance dans une campagne de restauration qui comprend la mise en place de vitraux mais également de très importants travaux de maçonnerie. Ce chantier dura une dizaine d’année, de 1862 à 1872. On peut dire que le profil actuel de l’édifice lui doit beaucoup.

Il faut savoir qu’avant l’intervention de l’abbé Deligny, l’édifice ne comportait aucun vitrail coloré. C’est ce que constate Léré, un historien local compiégnois, après une visite du monument effectuée dans les années 1810. Les vitraux colorés antérieurs avaient sûrement été détruits durant les périodes troublées de notre histoire – guerres de religion puis période révolutionnaire.

C’est également durant cette période qu’il achète et fait installer les boiseries du chœur et le buffet d’orgue provenant de l’abbaye de Saint Jean aux Bois et réalise l’encadrement du chemin de croix que l’on peut admirer le long des bas-côtés. C’est ce que relate l’abbé Muller, après une de ses promenades archéologiques effectuée en 1890 dans la région. Son récit s’accompagne des commentaires peu flatteurs que voici :

“Il est regrettable que les vitraux, l’encadrement du chemin de croix et certaines sculptures trahissent un mauvais goût phénoménal. L’artiste qui les a conçus et exécutés, malgré force protestations, est mort. Vénération à sa mémoire, mais malédiction à cette manie détestable de s’improviser architecte, sculpteur, verrier, etc.”

En effet, l’œuvre de l’abbé Deligny a suscité de nombreuses critiques et n’a jamais fait l’unanimité, même si elle a attiré plus tard l’attention de certains connaisseurs. Les travaux réalisés à Rémy furent financés par la commune, le conseil de fabrique et grâce à une souscription publique. Mais c’était sans compter avec la guerre de 1870 et la gêne financière qu’entraînèrent les réquisitions prussiennes. En 1872 l’abbé Deligny se trouva en délicatesse avec ses créanciers.

Il dut alors se tourner vers la puissance publique pour se tirer de ce mauvais pas. On peut penser qu’il a également puisé dans ses propres ressources pour financer les travaux. Il disposait d’une certaine aisance financière dont nous ignorons l’origine – sa maison natale apparaissant comme plutôt modeste.

Il résidait rue de l’église (actuellement n. 247) dans une maison bourgeoise devenue presbytère et qui fut à l’origine la résidence secondaire d’un parfumeur parisien. Par souci du bien commun, il abandonna cette propriété à la commune pour en faire une école et des logements pour instituteurs (vue de droite) et fit construire à ses frais un nouveau presbytère (vue de gauche) derrière l’église – à la place de l’ancienne maison vicariale qu’il avait rachetée.

Il commença à déménager de l’ancien presbytère après la Toussaint 1876. “Je ne fus emménagé passablement que vers la Noël, dit-il, et j’ai fait, en janvier 1877, une petite réunion de confrères pour la pendaison de la crémaillère. A ce moment, des glaces de Saint Gobain, venaient d’être posées par un ouvrier de la fabrique elle-même”. Citons encore quelques lignes : ” l’hiver et le printemps de 1877 se sont passés avec une pluie presque continuelle, à peine ai-je eu le temps de faire mes chemins et de briqueter les deux côtés est et ouest de la maison ainsi que l’avenue qui conduit de la rue”.

Mais ce prêtre ne fut pas seulement un homme d’action, un bâtisseur, un artiste. Ce fut aussi un philanthrope qui savait se montrer généreux avec les plus démunis de ses paroissiens. Peu avant sa mort, il fit don par testament d’une partie de sa fortune aux pauvres de la paroisse de Francières dont il était natif. Le testament précisait aussi que son presbytère revenait à la commune de Rémy. Pour des raisons juridiques, ce ne fut pas possible, mais l’évêché, qui en hérita en lieu et place, le remit rapidement en vente, ce qui permit à la commune de le racheter à très bas prix.

Ayant quitté le village en 1883, l’abbé Deligny termina sa carrière comme aumônier du carmel de Compiègne. Très âgé et fatigué par une vie entièrement consacrée au labeur et au service des autres, il rendit son dernier souffle le 30 juillet 1887 en son domicile du 41 de la rue Saint Lazare. Il repose désormais au pied du calvaire, dans le cimetière de Rémy en compagnie d’un autre prêtre de la paroisse, l’abbé Vannacque.

Il appartient à cette galerie de personnages hors du commun qui ont marqué l’histoire locale. Ses ouailles ne s’y sont pas trompés cette fois en le qualifiant de “bienfaiteur de la paroisse”. Mais il était sûrement loin d’imaginer en fermant les yeux sur ce monde que ses vitraux – objets d’admiration et d’étonnement – donneraient lieu un jour, à de savantes analyses !

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